À quoi joue-t-on ? Ou comment certaines « grandes associations »
tirent une balle dans le pied de leurs adhérents !
Que le Gouvernement cherche à réduire la dépense publique quitte à sacrifier l’intérêt des personnes, cela est toujours aussi scandaleux, mais nous commençons à en avoir l’habitude !
Qu’un député de sa Majorité obtempère sans broncher à sa volonté jupitérienne, cela est toujours aussi lamentable, mais c’est dans la logique des institutions de la Ve République !
En revanche, que des représentants d’Associations parmi les plus importantes de ce pays se fourvoient une nouvelle fois dans cet autre piège gouvernemental, cela est toujours aussi déplorable, mais cette fois cela dépasse les bornes !
Issu de la loi du 11 février 2005, l’article L 146-5 du Code de l’action sociale et des familles dispose que « Les frais de compensation restant à la charge du bénéficiaire de la prestation prévue à l’article L. 245-6 ne peuvent, dans la limite des tarifs et montants visés au premier alinéa dudit article, excéder 10 % de ses ressources personnelles nettes d’impôts dans des conditions définies par décret. ». Ceci devant permettre le financement d’aides techniques, et l’aménagement du logement et/ou du véhicule pour les personnes se trouvant dans l’obligation d’y avoir recours pour faciliter leur autonomie.
Or, huit ans plus tard, l’Inspection générale des affaires sociales, constatant que l’absence de publication du décret nécessaire générait toujours un très important reste à charge supporté par les personnes, dans un rapport publié en avril 2013, recommandait au Gouvernement de : « Prendre le décret d’application de l’article L. 146-5 du CASF pour déterminer les conditions de calcul des restes à charge des personnes handicapées après intervention des fonds départementaux de compensation. »
Aussi, ce décret fondamental n’ayant toujours pas été publié et aucune concertation n’ayant été engagée, notamment au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées, l’ANPIHM écrivait au Premier Ministre le 11 avril 2014 pour lui demander la publication tant attendue de ce texte.
Deux mois plus tard, constatant que le Premier Ministre se refusait toujours à publier ce décret, et considérant que l’absence de publication faisait grief dès lors qu’elle a pour effet de priver les personnes régies par ce texte réglementaire du droit de se prévaloir de ces dispositions, l’ANPIHM déposait un recours auprès du Conseil d’État.
Le 24 février 2016, considérant que l’État avait eu le temps nécessaire depuis le vote de la loi du 11 février 2005 pour publier ce décret « quelles qu’aient pu être les difficultés rencontrées par l’administration dans l’élaboration de ce texte, son abstention à le prendre s’est prolongée bien au-delà du délai raisonnable », le Conseil d’État ordonnait la publication du dit décret dans le délai de 9 mois et condamnait l’État à verser une astreinte par jour de retard au requérant au-delà de ce délai.
Ne pouvant se satisfaire d’une situation qui voyait l’État préférer payer une astreinte plutôt que de publier ce fameux décret, l’ANPIHM a déposé un nouveau recours devant cette Juridiction pour tenter de contraindre le Gouvernement de satisfaire enfin à la volonté du législateur de 2005.
Parallèlement, l’Association Handi-Social saisissait le 14 mars 2018 le Tribunal Administratif de Toulouse d’une requête contre le Premier Ministre pour que les frais de compensation, restant à la charge d’une personne pour l’aménagement de son véhicule adapté à la conduite dans son fauteuil roulant, lui soient réglés, réclamant par ailleurs des dommages et intérêts contre l’inaction du Gouvernement.
En réponse à ces légitimes actions, alors que le député Philippe Berta préparait une proposition de loi visant à supprimer la limite d’âge de 75 ans pour obtenir la PCH, le Gouvernement lui a demandé d’ajouter à cette mesure, une seconde mesure visant à engager « une expérimentation durant 3 ans », dans des départements volontaires, pour mettre en place un dispositif expérimental qui serait évalué au terme de ce délai pour examiner dans quelles conditions il serait possible aux MDPH de traiter cette demande au plan administratif, et aux Fonds Départementaux de Compensation de réduire ce fameux reste à charge « dans la limite des financements de ce fonds » (sic !).
Ainsi donc, alors que depuis 13 ans l’État s’est refusé à honorer la volonté du législateur, voilà qu’il demande 3 années supplémentaires pour examiner, de manière partielle sur le territoire, la possibilité éventuelle de souscrire à l’obligation légale, ce dans le cadre du budget alloué ! Budget qui s’est révélé très insuffisant, ce qui explique les restes à charge importants qui empêchent nombre de personnes handicapées d’acquérir ou de renouveler leurs aides techniques ou de réaliser les aménagements qui leur sont pourtant indispensables.
Nul ne doit être dupe ! Si, tancé par le Conseil d’État et ne trouvant que des arguments d’ordre financier à lui opposer, le Gouvernement manœuvre pour repousser l’application de la loi à 2021 alors même que l’État n’a cessé de restreindre sa participation au financement des Fonds Départementaux de Compensation, cela ne peut être que dans un seul but : tenter de démontrer que le financement du reste à charge serait trop onéreux pour les Départements. Alors même que l’État n’a cessé de fuir ses responsabilités en se déchargeant de la compensation du handicap sur les départements, participant ainsi à la rupture d’égalité entre citoyens.
Dans ces conditions, comment comprendre que les quelques Associations* invitées par le député Berta à discuter du contenu d’une proposition de loi comportant une mesure (ajoutée à l’intention initiale bienvenue) qui confine à la filouterie aient accepté une telle discussion au cours d’une rencontre dont le parlementaire, en ce qui le concerne, exploite largement l’opportunité avec la bénédiction du Gouvernement ?
Comment comprendre de surcroît que les représentants de deux Associations participantes, avalisant un tel marché entraînant un très important recul des droits, se répandent dans la presse pour saluer « une ouverture » gouvernementale sur ce vieux sujet, alors même que la décision du Conseil d’État, suivie par ses soins dans son application, rendait de plus en plus intenable la position actuelle du Gouvernement ?
Il ne faut pas s’étonner ensuite que les députés présents ce 9 mai à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale votent à l’unanimité un texte qui marque une nouvelle et très importante régression en matière de politique d’autonomie des personnes « handicapées » !
Voilà où mènent les illusions de la « co-construction » !
* APF. CFPSAA. FNATH. LADAPT
signataires de ce communiqué : l’ANPIHM, le GFPH, HANDI-SOCIAL et la CHA